Sauver Mina by Catherine Cuenca

Sauver Mina by Catherine Cuenca

Auteur:Catherine Cuenca
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Scrineo
Publié: 2021-04-06T15:07:51+00:00


MINA

Août 2015

La première chose que je vois à mon réveil, c’est le plafond blanc. Puis les murs en béton, le mobilier réduit à sa plus simple expression : une armoire et deux lits – le mien et celui que Nazira occupait hier encore – calés sous l’unique fenêtre de la chambre. Les rideaux sont si épais que j’ignore s’il pleut ou si le soleil brille. Je sais juste qu’il fait jour. Une petite horloge indique 6 heures. L’heure de me lever. Zeinab, ma patronne, doit attendre son petit déjeuner, vautrée dans son lit queen size.

Je suis tellement faible que ma tête tourne quand je me lève. Non, ils n’ont pas réussi à me briser. C’est moi qui n’arrive plus à manger, quand je pense à Zana, à ma copine Lamia, et à ces milliers de filles yézidies qui partagent notre cauchemar. Le visage de ma mère est en train de s’effacer. Celui de ma chère Amal aussi. Je lutte pour les retenir, mais ils s’éloignent chaque jour un peu plus dans le brouillard de mes souvenirs.

Chaque matin, pendant une semaine, j’ai posé la main sur l’épaule de Nazira pour la réveiller. Je détestais ça. L’arracher à des rêves qui étaient peut-être joyeux, pour la ramener à notre sombre réalité. Nazira avait seize ans. Elle était originaire d’un petit village, sur les contreforts du mont Sinjar. Ses habitants n’avaient pas eu le temps de fuir l’arrivée de l’État islamique. Nazira ouvrait les yeux en tressaillant et se tournait vers moi.

— C’est l’heure, déjà ? marmonnait-elle.

— Je suis désolée.

— Ne le sois pas. Le sommeil est parfois pire.

Elle avait raison. Combien de fois me suis-je réveillée en pleurant parce que je me croyais revenue chez moi, à Kocho ? Ou dans les prés du mont Sinjar, avec Amal ?

Puis Nazira s’en est allée. Abu Mustafa lui a trouvé un autre propriétaire.

C’est seule que je m’habille et sors dans le couloir. Revêtu de son gilet de la police des mœurs islamique, le maître des lieux est parti de bonne heure exercer son travail de harcèlement de la population. L’odeur de son eau de toilette flotte, entêtante, dans le vestibule. Je passe devant le salon où coussins et plaids gisent, pêle-mêle, sur les canapés. C’est là qu’Abu Mustafa m’a reçue avec sa femme, après m’avoir ramenée chez lui. Une fois le thé préparé et servi par mes soins, il m’a ordonné de m’asseoir.

— Je sais que tu as essayé de t’enfuir, a-t-il déclaré dans un mauvais arabe. Ce renard de Fouaad ne m’a rien dit, bien sûr, mais je suis parfaitement au courant de tout ce qui te concerne. J’ai mes informateurs.

Alors pourquoi m’avez-vous achetée ? avais-je envie de répliquer. Vous voulez que j’essaie de vous fausser compagnie, à vous aussi ? Mais j’ai gardé le silence. Je connaissais déjà la réponse à cette question. J’étais faible et amaigrie. Je n’avais plus les moyens physiques de tenter une évasion. Abu Mustafa s’en réjouissait.

— Tu n’étais pas très chère, et Fouaad m’a assuré que tu travaillais bien.



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